Suspension abusive des agents en congé maladie : Le Conseil d’Etat indique que ces agents ne peuvent pas être privés de leur rémunération avant la reprise de fonctions

27 avril 2022

La loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a imposé une obligation vaccinale à la majorité des personnels de santé et du secteur médico-social depuis le mois de septembre 2021, sous peine d’être suspendus de leurs fonctions sans rémunération ni droit à l’avancement.

De nombreux agents publics ont donc été suspendus depuis le 15 septembre 2021, sans distinctions relatives à leurs situations particulières, au prétexte d’une prétendue nécessité d’imposer la vaccination pour maîtriser la crise sanitaire et protéger les personnes vulnérables.

Le Flash Info LDAJ est disponible en pièce-jointe dans cet article.

La question s’est rapidement posée de savoir si ces personnels soumis à l’obligation vaccinale devaient nécessairement justifier de leur statut vaccinal alors qu’ils n’exerçaient pas leurs fonctions auprès des personnes vulnérables ni des soignants et qu’ils ne représentaient objectivement aucune menace pour la santé publique. Cela concernait, entre autres, aux agents en arrêt maladie (congé maladie ordinaire, congé de longe maladie, congé de longue durée, CITIS, personnel en AT, etc.) ou en congé maternité.

Le Conseil d’État acte le maintien la rémunération des agents suspendus en congé maladie

Le Conseil d’État a tout d’abord rejeté le pourvoi du groupe hospitalier Bretagne Sud contre une ordonnance d’un Tribunal administratif ayant suspendu une mesure de suspension de fonctions sans rémunération d’un agent public en congé maladie (CE, 2 mars 2022, 458353, à mentionner aux Tables).

Dans cette affaire, une infirmière titulaire avait été suspendue de ses fonctions jusqu’à ce qu’elle satisfasse à l’obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l’article 12 de la loi du 5 août 2021.

Pour confirmer la décision prise par le juge des référés du TA de Rennes de suspendre cette mesure provisoirement, dans l’attente d’un jugement au fond, le Conseil d’État s’est fondé, notamment, sur les dispositions de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, suivant lequel :

« Le fonctionnaire en activité à droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l’intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; »

Le Conseil d’État précise que : « Si le directeur d’un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l’égard d’un agent qui ne satisfait pas à l’obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu’à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l’agent en question.  » 


Ainsi, si un agent déjà placé en congé de maladie qui ne satisferait pas à l’obligation vaccinale peut être suspendu, le Conseil d’État précise que cette mesure de suspension de fonctions, y compris donc la suspension de traitement, mais aussi, croit-on comprendre, la perte des droits à l’avancement, ne peut prendre effet qu’après la période d’arrêt de travail pour raisons médicales.

La période de congé maladie suspend ainsi l’entrée en vigueur de la mesure de suspension de fonctions au titre de la loi du 5 août 2021.

Le Conseil d’État, statuant en référé en tant que juge de cassation, a récemment confirmé cette solution par une série de décisions rendues le 22 avril 2022 (dossiers nos 460076 – 459985 –459980 - 459977- 459793 - 459482 – 459481 – 459480 – 459478 - 459323- 459298 - 459297 - 459263– 459258 – 458366 – 458364 – 458363 – 458361 – 458360).

Qu’en est-il des agents placés en congés maladie alors qu’ils sont déjà suspendus ?

Pour ces agents, leur situation n’a pas encore été examinée par le Conseil d’État….

Une analogie entre les régimes des suspensions sur le fondement de la loi du 5 août 2021 et les suspensions à titre conservatoire décidées sur le fondement de l’article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 (désormais article L. 531-1 et suivants du code général de la fonction publique), devrait permettre de confirmer qu’il est légalement impossible de priver un agent en congé maladie de sa rémunération et de son droit à l’avancement.

En effet, ces deux mesures d’éloignement du service ont le même objet : écarter un agent dont la présence pourrait nuire au bon fonctionnement du service et à la sécurité des agents et des usagers de l’administration concernée.

Or, la suspension à titre conservatoire fondée sur l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ne prend effet qu’à l’issu du congé maladie de l’agent qui en fait l’objet, l’agent demeurant en position d’activité (v. CE, 22 février 2006, n° 279.756, mentionné aux Tables ; CE, 31 mars 2017, n°388.109, mentionné aux Tables).

La Haute juridiction a poussé le raisonnement encore plus loin en jugeant qu’un agent qui était déjà suspendu avant d’être placé en arrêt de travail devait être maintenu en position d’activité et, en conséquence, bénéficier des droits inhérents aux congés de maladie (CE, 26 juillet 2011, n°343837, mentionné aux Tables).

L’agent suspendu sur le fondement de la loi du 5 août 2021 doit également être considéré comme demeurant en position d’activité, puisqu’il n’est ni en détachement, ni en disponibilité, ni en congé parental, ni en activités de réserve.

Il ne reste donc plus qu’à espérer que le Conseil d’État respecte cette analogie dans le cadre de son application de la loi du 5 août 2021…

Que faire si vous n’avez pas encore saisi le Tribunal administratif et que le délai de recours a expiré ?

Pour les agents concernés qui n’auraient pas contesté la décision de suspension de fonction dans le délai de recours contentieux de deux mois, il est toujours possible d’adresser une demande indemnitaire à leur établissement afin d’obtenir une indemnisation correspondant aux traitements non versés.

Il est impératif d’adresser une demande indemnitaire préalable par courrier RAR et, en cas de rejet de cette demande, de saisir un avocat pour engager une action en responsabilité devant le tribunal administratif.

© Le secteur LDAJ de la Fédération CGT Santé Action Sociale - Avril 2022