Conflit de 51 jours dans une clinique privée à Tarbes, on en parle ?

28 décembre 2016

Lettre d’une gréviste de la clinique de l’Ormeau à Tarbes.

Mesdames, messieurs,

51 jours que nous luttons, 51 jours que nous résistons et que nous sommes ignorés. Notre lutte est digne, elle a commencé le 8 novembre lors de la journée nationale d’action pour la santé. Nous avons décidé de dire non à la maltraitance que nous subissons dans notre quotidien, et par ricochet que nous faisons subir à nos patients. Nous sommes des soignants, des administratifs de la clinique Ormeau Pyrénées à Tarbes en grève, des mamans pour la plupart, qui avons choisi de défendre le métier pour lequel nous avons été formé, ce métier qui nous éloigne actuellement de plus en plus de l’humain. Nos conditions de travail se sont dégradées depuis le rachat de notre établissement par le groupe Médipole en 2014 et depuis ce sont nos acquis, nos postes qui disparaissent petit à petit, notre charge de travail qui augmente et nos outils qui ne sont plus adaptés. Médipole, fond de pension anglo-saxon qui s’engraisse sur le dos des patients, des salariés et de la sécurité sociale française, est en phase de fiançailles avec le groupe Elsan pour devenir le premier groupe français de clinique privé.

Ce groupe parle uniquement rentabilité et chiffres tandis que nous parlons de prise en charge des soins humaine et décente, des mots aux antipodes des leurs. Médipole a obtenu des aides de l’état par la BPI, mais également des sommes qui nous semblent colossales grâce au bon fonctionnement de cette clinique détenant le monopole pour certaines spécialités.

Tout cet argent devient de la trésorerie pour le groupe, alors que dans notre quotidien, on nous parle de restrictions budgétaires...... Mais cela, tout le monde s’en fiche, sauf peut-être les tarbais conscients que ce combat est aussi le leur, des élus du département, la préfecture et le conseil départemental de l’ordre des médecins qui dénoncent la catastrophe sanitaire du département depuis que notre mouvement a commencé du fait de nombreuses interventions annulées.

Nous le déplorons mais avons nous le choix ? Nous sommes face à un cynisme incroyable d’un mastodonte financier qui se fiche du département, qui se fiche des patients, dont des dirigeants repartent à Paris lors de la pause méridienne en pleine négociation, proposent 15 euros bruts/mois d’augmentation ..... et qui parie sur l’affaiblissement du mouvement.

Ils ne veulent pas penser que nous nous battons aussi pour notre dignité, avec responsabilité malgré les fausses informations que la direction propage régulièrement sur notre compte à la presse (soins anti-cancéreux non assurés entre autre), que si 140 hommes et femmes bravent le froid en période de Noël et ont fait le choix en tant que parents de ne pas avoir de salaire aux moment des fêtes, c’est aussi pour garder la tête haute dans cette lutte légitime !

Nous sommes face à un gouvernement qui devait se battre contre la finance (propos de notre président de la république) mais qui ne fait rien. Notre ministre de la santé est INEXISTANTE et se cache derrière un conflit qui, selon elle, relève du ministère du travail. Nous avons appris dernièrement que le cabinet du premier ministre est en relation régulière avec Médipole qui lui assure que le mouvement s’essouffle (en filigrane c’est « ne faites rien, elles, ils vont s’épuiser »). En ce qui nous concerne, c’est très difficile car nos députés écrivent, alertent, ré-écrivent et ré-alertent sans que l’on n’entrevoie le bout du tunnel.

Ce mail c’est aussi pour vous interpeller, vous les médias, pour vous dire que oui la Bigorre ce n’est pas Paris, nous ne sommes pas les uber, mais que notre combat est juste.

Nous avons besoin de vous et d’un relais national afin que les décideurs nationaux prennent toute la mesure de l’urgence de la situation.

Faut-il mettre le feu à des voitures, nous suicider comme 5 de nos consœurs l’ont fait cet été pour qu’enfin notre lutte soit médiatisée au niveau national ?

Voulons-nous ce système de santé pour aujourd’hui et demain, qui maltraite les patients et les soignants, et qui continuera de la sorte tant que l’on ne l’arrêtera pas ? En ce qui me concerne, je ne le souhaite pas pour mes enfants.

Karine BONIFACE, infirmière, 24 ans de diplôme, maman de 3 enfants 6, 12 et 14 ans